Samedi 16 et dimanche 17 novembre 2024, Denis Langlois vous attend au SALON DU LIVRE DU TOUQUET-PARIS-PLAGE, salle des 4 Saisons, avenue de l’Hippodrome, sur le stand de la Librairie Le Furet du Nord.
Samedi 12 et dimanche 13 octobre 2024, Denis Langlois sera au SALON DU LIVRE "Marque-page", à CÉBAZAT (Puy-de-Dôme), Domaine de la Prade, 46 route de Gerzat, près de Clermont-Ferrand, sur le stand des Editions La Déviation.
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Le samedi 28 septembre 2024, à 15 heures, à MONNERVILLE (Essonne), CONFÉRENCE-DÉBAT "La Mort du babouin de Monnerville".
Le 22 août 2024, parution d’un nouveau livre aux éditions La Déviation : La Cavale du babouin
En 2022 : Parution de La Politique expliquée aux enfants de Denis Langlois, illustrée par Plantu. (Editions La Déviation)
Édition spéciale 1983-2022.
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2021. "Le Voyage de Nerval" (Gérard de Nerval au Liban), récit de Denis Langlois, paraît aux éditions de La Déviation.
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Paru en 2020 le livre "Pour en finir avec l’affaire Seznec" (La Différence) de Denis Langlois (avec un cahier-photos de 16 pages) sera bientôt à nouveau disponible en librairie.
2019
Les Éditions de La Différence publient "L’Affaire Saint-Aubin" de Denis Langlois, avec un cahier-photos de 16 pages.
2018, les éditions SCUP-La Déviation publient une nouvelle édition complétée et illustrée de "Panagoulis, le sang de la Grèce" de Denis Langlois.
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ARCHIVES MILITANTES.
Nouvelles rubriques sur le site :
*La Ligue des droits de l’homme (1967-1971).
*La Fédération internationale des droits de l’homme (1968-1970).
*Les luttes militantes pour l’autodétermination du Pays Basque (1984-1997).
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Par crainte que cette mauvaise époque camoufle le plus répugnant crime qu’ont commis les barbares druzes de Maasser El Chouf contre l’humanité et contre les chrétiens paisibles de Maasser El Chouf qui furent tués à l’intérieur de leurs maisons sans défense ou réfugiés dans des maisons druzes, soi-disant leurs voisins et amis, demandant un abri, mais au lieu de les abriter ils les assassinèrent. J’ai voulu écrire et citer ces faits pour qu’ils soient et demeurent une leçon aux chrétiens et une mémoire douloureuse et atroce pour l’histoire.
Le vendredi, le 9 septembre 1983, c’est le jour le plus horrible et le plus atroce de l’histoire contre l’être humain et l’humanité. Ce fut un génocide qui a massacré 63 enfants, femmes et vieillards chrétiens innocents de Maasser El-Chouf.
Après la fin de la Guerre de la Montagne, le village de Maasser El-Chouf était le symbole de la coexistence pacifique Chrétienne-Druze au Liban. Les habitants chrétiens de ce village sont restés dans leur village natal et vivaient paisiblement loin du milieu de guerre et de combats.
Le village de Maasser El-Chouf se trouve géographiquement loin des fronts de bataille. En outre, la majorité des chrétiens de ce village qui y résidaient étaient des vieillards, des enfants et des femmes qui y vivaient paisiblement sans armes et sans défense, se fiant à leurs voisins et amis d’enfance, les druzes de ce village, jusqu’à ce jour horrible où ces amis qu’on appelait les anciens amis et les amis d’enfance se sont transformés en animaux féroces et en barbares assassins. Chaque voisin a pris d’assaut son voisin chrétien commettant un génocide barbare et sauvage que ne peut imaginer quiconque est sage contre 63 enfants, des femmes, des vieillards et le curé de la paroisse qui furent sans défense ni armes, bien que ces barbares se vantent d’être les sages de ce monde….
En ce jour, nous étions tous à la maison paternelle. Notre famille formée de mon père (42 ans), ma mère (30 ans), moi l’auteur de ce récit alors âgé de 14 ans, ma sœur Rita, 13 ans, ma sœur Rima, 12 ans, mon frère Michel, 11 ans, mon frère Charbel, 4 ans, mon frère Khalil, 3 ans, ma grand’mère paternelle Rachida, 85 ans, qui était aveugle et ne quittait pas la maison.
En ce jour-là, on pressentait la peur et la terreur suite aux massacres, vandalismes et tortures qui se commettaient dans les villes et villages d’alentour.
A chaque fois qu’une ville ou qu’un village succombait à leurs attaques et souffrait de leur barbarie par des génocides impitoyables, les druzes de Maasser El-Chouf se réjouissaient, lançaient les klaxons de leurs voitures à n’en plus finir et tiraient des coups de feu à tort et à travers, exprimant leur joie et leur sauvagerie et inhumanité. Alors la peur et la terreur se faisaient voir sur les visages de tous les chrétiens habitants de ce village. Il est fort utile de noter qu’avant la fermeture de tous les passages et routes menant au district d’El Chouf, M. Helmi Hanna Abdallah et M. Salim Touma Chakar, deux proches parents de notre famille, sont montés chez nous pour nous proposer de nous accompagner à Beyrouth.
Mon père et ma mère ont refusé de quitter le village, parce qu’ils avaient reçu des promesses et des assurances de nos voisins druzes du village et du curé de la paroisse Père Antoine Abdoud. Ce dernier avait en effet demandé à tous les chrétiens de rester au village, parce qu’il avait obtenu une promesse catégorique de M Walid Jumblat qui était à ce moment chef du Parti progressiste socialiste de ne nuire à quelconque personne des chrétiens du village. Pour plus de confirmation et d’assurance, un jour avant le génocide, le Parti progressiste socialiste envoya l’attaché de presse du parti accompagné par le journaliste français Christian Lavaux du journal « France Magazine » pour filmer le village, donner son témoignage sur la coexistence pacifique Chrétienne-Druze et confirmer que la guerre en cours à la Montagne n’est pas une guerre confessionnelle. Il a pris des photos du village avec le curé de la paroisse entouré des grands Cheikhs druzes, avec aussi la Mère supérieure du couvent Saint-Michel au village.
L’attaché de presse du Parti socialiste a confirmé que le village de Maasser El-Chouf était le symbole de la coexistence Chrétienne-Druze et qu’aucun mal ni oppression ne serait commis contre n’importe quelle personne à ce village.
Nos voisins druzes ne cessaient de répéter les promesses et réassurances disant :
« Le même sort qui nous arrive vous arrivera »
« Nous sommes tous des frères vivant ensemble depuis bien longtemps ! Nous nous sacrifions nous-mêmes pour vous racheter » !
« Il n’est pas permis à quiconque étranger d’entrer au village. Ne craignez rien » !!!
Nous avons cru à leurs promesses et c’est pourquoi mon père et ma mère ont refusé de quitter leur village natal. Ils ont décidé de rester avec tous les autres chrétiens du village jusqu’à la date de cet horrible jour.
Le vendredi 9 septembre 1983
Nous nous sommes réveillés très tôt. Ma mère commença à cuire le pain sur le moule à pain. Les voisins comme à leur habitude sont venus prendre leur petit déjeuner avec du pain chaud. Mme Souad, épouse du Cheikh Aref Abou Assi, est venue avec sa fille Souha et aussi M. Michel Naamatallah Njeim. Ils ont pris leur petit-déjeuner. Deux heures après, j’ai accompagné mon père au champ pour cueillir un panier de raisin. Nous sommes revenus, alors que ma mère préparait le grand déjeuner. C’était vers midi. Nous avons commencé à entendre des coups de revolver, des coups de mitrailleuse. Mon père nous dit alors : " Ce ne sont pas des coups de feu de réjouissance !" Nous sommes montés alors sur le toit de notre maison et avons jeté le regard vers le centre du village. Nous avons aperçu les jeunes druzes du village armés et déployés autour de la maison de Saïd Najib Njeim, c’est-à-dire au centre du village. Ayant tiré de nombreux coups de feu sur les habitants de la maison de Saïd Najib Njeim, nous avons aperçu les jeunes Druzes Maarouf Azzam et Assaad Jumblat se diriger rapidement avec leurs armes vers l’église où se trouvait la maison du curé de la paroisse, le Père Antoine Abdoud.
Père Antoine Abdoud était réputé par sa générosité, son aide et son amour du prochain sans discrimination. Il a particulièrement contribué à l’aide du Wakf Druze en leur donnant un grand montant d’argent pour bâtir un dispensaire à côté de leur « Ermitage » (Khoulwa).
Parmi les plus grands bénéficiaires de ce don fut le susdit Maarouf Azzam et sa famille, car il était en chômage. Pour récompenser Père Antoine Abdoud de cette bonne action, ce fut Maarouf Azzam, avec l’aide de Assaad Jumblat, le premier à tirer le feu contre lui, contre Leila Njeim et Georges Saïd Njeim. Ceci est bien documenté et confirmé, car Mme Marie Béchara Njeim qui était derrière la porte et qui fut sauvée par miracle les a vus. Elle est toujours vivante jusqu’à ce jour et prête à donner son témoignage à ce sujet.
A ce moment est venu Nabil, le fils de Salim Massoud Temraz, et nous a dit : « Mon père vous prévient qu’ils sont en train de tuer les chrétiens, allez vous cacher chez nous ».
Nous avons laissé tous nos objets, effrayés et pris par la peur et la terreur nous avons laissé les portes de la maison ouverte. Ma grand’mère qui était aveugle est restée à la maison.
Nous nous sommes dirigés rapidement vers la maison de Cheikh Aref Abou Assi, car il était notre plus proche voisin, à savoir qu’une forte et profonde amitié nous liait ensemble, en plus qu’il nous tranquillisait toujours et nous comblait par ses promesses et réassurances. Nous ayant vu son épouse Mme Souad qui avait pris son petit déjeuner chez nous, elle commença à crier et à hurler à haute voix : « N’entrez pas chez nous et ne vous cachez pas chez nous, nous n’allons pas vous protéger ! ». Ses enfants Moufid et Amine, les enfants de sa sœur et les enfants de la sœur de Cheikh Aref étaient entièrement armés avec tous les genres d’armes et se tenaient debout sur la terrasse de la maison.
Alors devant ce fait, nous nous sommes précipités vers la maison de Salim Massoud Temraz. Son épouse refusa de nous recevoir et commença à hurler : « Montez chez Abou Salim, le père de Salim Massoud Temraz ». Nous sommes alors montés à la maison du père de Salim Massoud Temraz qui nous a reçus. Nous nous sommes cachés chez lui. Sa maison donnait sur toutes les maisons du village, vu son emplacement géographique. Nous avons regardé, moi et mon père, de derrière la fenêtre de la chambre où nous étions cachés comment ils ont tiré leurs coups de feu et fusillaient les maisons de Issam Haddad et Adib Hanna Njeim, qui était assis avec Issam et son épouse devant la maison.
Chaque moment qui passait était un enfer plein de peur et de terreur. Quelques minutes après notre arrivée à la maison du père de Salim Massoud Temraz, celui-ci est entré à la maison accompagnant Renée veuve Nadim Naïm avec ses trois enfants : Antoinette, dix ans, Najwa, sept ans et Nadim, 5ans. Leur père qui était un soldat dans l’Armée Libanaise avait été assassiné par des Druzes en 1977, le jour du meurtre de Kamal Jumblat, seulement pour éteindre, prétendaient-ils, leur haine et rancune.
La femme de Milad Haddad, Salma avec ses trois enfants : Georges, 4 ans, Marie, 2 ans et Elie, 3 mois, les accompagnait aussi.
Ils étaient tous terrifiés et tremblaient de peur. Mon père leur demanda où est Milad ? Salim Massoud Temraz répondit : « Je l’ai caché chez moi à la boucherie, à El-Ain ».
Nous nous sommes donc cachés tous chez eux. Alors Salim Massoud Temraz nous quitta et partit avec sa Kalachnikov. Bien sûr, nous n’avons pas su où il allait !
Nous sommes retournés de nouveau derrière la fenêtre regarder comment ils se sont rassemblés autour de la maison de feu Mikhael Rached Njeim où habitait M Fouad Abdo Chakar, un officier retraité à l’Armée Libanaise, avec son épouse Hana, sa belle-mère Marie, son fils Laurence et sa fille Denise. Les barbares tiraient leurs coups de feu de tous les côtés, utilisant tout genre d’artillerie. Fouad Chakar résista à leur attaque, car nous entendîmes les coups de feu et les missiles pendant presque 4 heures, puis un grand silence régna au village. Nous n’avons plus entendu de coups de feu.
Nous sommes resté dans la même maison jusqu’au soir. A ce moment-là vinrent Salim Massoud accompagné de son gendre Najem Temraz, Chahine Fawaz Temraz, Fawzi Temraz, Sobhi Azzam et Wajdi Riman. Ils nous dirent « Tout est fini, c’était un simple accident, nous allons vous emmener à Deir El Kamar ».
Mon père et ma mère commencèrent à les prier de nous garder chez eux à Maasser El-Chouf leur disant : « Gardez-nous chez vous, nous ne voulons pas aller à Deir El-Kamar. Nous ne connaissons personne là-bas. A ce moment un grand nombre de leurs proches se sont rassemblés dehors, puis, lorsque mon père, ma mère et ceux qui étaient avec nous insistaient à rester chez eux et à ne pas aller avec eux, nous entendîmes certains d’eux au dehors dire : « S’ils ne veulent pas partir, égorgez-les dedans et transportez-les égorgés »
A ce moment nous avons commencé à pleurer effrayés et à trembler tous de peur et de terreur et nous sommes partis avec eux dans l’espoir de retourner à notre maison, puis aller à Deir El-Kamar. L’obscurité enveloppait le village. Mon père leur demanda, avant de monter en voiture, d’aller voir sa mère aveugle, de lui dire adieu et d’apporter le médicament à son fils Khalil qui était malade.
Sobhi Azzam lui répliqua : « Vous achèterez le médicament à la pharmacie de Mokhtara, de chez Sarrouf… , nous n’avons pas le temps. Nous sommes pressés. Montez en voiture ! ». Nous sommes montés dans deux voitures, ma famille dans la voiture de Sobhi Azzam et Mme Renée Naïm et ses trois enfants avec Mme Salma et ses trois enfants dans la voiture de Wajdi Riman. Je me suis assis à côté de mon père et mon petit frère Khalil dans les bras de mon père, à coté de Sobhi, ma mère et mes sœurs sur le siège de derrière.
Ils nous ont conduits à pleine vitesse passant par le centre du village (Al-Sindianeh) où nous avons vu un grand nombre des jeunes druzes du village. Sobhi s’étant arrêté un instant, Nayef Azzam et Hussein Riman lui dirent : « Il ne reste personne ». Alors Sobhi continua son chemin ver Al-Ain où il s’est arrêté pour quelques instants à coté de Chawki Temraz et Ali Temraz leur disant : « Quoi de neuf, les jeunes ? Chawki Temraz qui portait l’uniforme militaire du Parti progressiste socialiste, armé jusqu’aux dents, répondit « Faites vite, ne tardez plus ». Sobhi continua alors son chemin vers la route de Moukhtara. A dix mètres de la place Al-Ain, nous avons aperçu les cadavres d’Elias Abou Saada Njeim et de sa sœur Zahia sur l’escalier de leur maison.
Un peu plus loin, à quelques mètres d’eux, nous avons aperçu sur la route du village, sur la bifurcation de Barouk–Moukhtara le cadavre de Georges Rizk Haddad, un soldat de l’Armée Libanaise en retraite, jeté sur le bord de la route.
Lorsque nous sommes arrivés aux frontières du village à cinq cents mètres environ du centre du village, à un endroit nommé « Lieu Mawachat », un endroit forestier et non-habité, Sobhi arrêta sa voiture au milieu de la route, coupant le chemin aux autres voitures, ouvrit la porte de sa voiture, descendit rapidement et commença à crier « Descendez vite de la voiture immédiatement, autrement je vous fusille tous à l’intérieur ! ». De même Wajdi criait contre Renée et ses petits enfants, contre Salma et ses enfants, leur demandant de descendre de la voiture qui était stoppée derrière nous. Mon père, ma mère, Renée et Salma les priaient disant : « Tuez-nous, nous les grands, et laissez les petits enfants vivants, ils ne vous ont rien fait de mal ».
Sobhi et Wajdi commencèrent alors à crier d’une voix féroce « Descendez des voitures, autrement nous vous tuerons à l’intérieur des voitures ! » tout en dirigeant leurs kalachnikovs vers nous. Effrayés nous sommes descendus rapidement de la voiture, alors les barbares et criminels commencèrent à tirer des coups de feu de leurs kalachnikovs au hasard sur tout le monde. Tout de suite j’ai pris dans mes bras mon petit frère Charbel et avec ma sœur Rima, nous avons rampé à terre et nous nous cachés derrière un rocher. Lorsque ces barbares et criminels ont commencé à tirer, mon frère Michel s’est précipité vers Sobhi. L’ayant touché de sa main, Sobhi vida sa kalachnikov sur sa poitrine lui disant « Toi, frère de la prostituée, chrétien, tu veux me tendre la main ». Ils l’ont tué, coupant son corps en deux par leur fusillade. Quelques instants après ils arrêtèrent de tirer des coups de feu et se sont parlés, disant : « Tuons-les tous et demain matin, de bonne heure, nous viendrons voir ce qu’ils portent dans leurs poches. Allons maintenant rejoindre nos camarades pour prendre nos parts des maisons des chrétiens du village.
Une fois partis dans leurs voitures, il faisait nuit, l’obscurité était forte, j’ai appelé : " Papa ! Maman ! Papa ! Maman !" Personne ne répondit, mais j’ai entendu une voix très basse dire : je suis là, c’est moi Rita, Michel est devant moi couvert de sang. J’ai crié Michel ! Michel ! alors Rita cria : Oh Vierge Marie ! Michel est tué, il est entièrement couvert de sang !
Rita vint alors près de moi et nous avons crié ensemble : "Papa ! Maman ! Papa ! Maman !", mais personne ne répondait.
J’ai alors pris mon petit frère Charbel dans mes bras et me suis assis avec mes sœurs Rita et Rima entre deux rochers, à côté de douze cadavres. Effrayés, nous tremblions de peur. Nous avons décidé de rester à côté des cadavres pour ne pas permettre aux animaux féroces d’approcher et d’arracher leurs corps. Nous sommes restés toute la nuit effrayés, tremblant de peur, assis sans dormir et même sans être pris par le sommeil, en train de regarder les cadavres, sans se parler tout le temps de peur que quelqu’un nous entende….. et qu’ils reviennent vers nous une seconde fois.
Nous sommes restés toute la nuit en train de réfléchir à ce que nous devions faire ! où aller ? Chez qui ? Nous étions en train de voir durant toute la nuit dans le ciel du village des bombes éclairs lancées par l’armée israélienne de ses positions situées au radar du Mont Barouk, éclairant le ciel de toute la région. Le village de Maasser se situait à l’intérieur de ce qu’on appelait « la ligne de sécurité israélienne et sous la protection israélienne » à presque cinq minutes de leurs positions. L’armée israélienne faisant toujours des patrouilles sécuritaires au village. Nous entendions aussi durant toute la nuit le bruit du moteur d’un bulldozer à la localité nommée El-Harf à l’intérieur des frontières du village de Maasser.
A l’aube, nous nous sommes approchés des cadavres, nous avons vu notre mère au bord de la route, mon père avec mon frère Khalil entre ses bras et Michel tué à son côté, Mme Renée et ses trois enfants tués à son côté, Mme Salma et ses trois enfants assassinés à son côté. Ils étaient tous entourés d’un lac de sang d’environ 10 mètres carrés.
Je me suis approché de mon père, l’ayant touché, il était lui et mon frère Khalil comme un morceau de glace ! J’ai pris de mon père sa montre, son anneau de mariage. Je me suis approché de ma mère, l’ayant touchée, elle était aussi un morceau de glace, entourée d’un lac de sang. Nous lui avons pris son anneau de mariage, sa chaine d’or avec la croix de son cou et son sac à main qu’elle tenait en sa main (parce qu’il contenait nos cartes d’identité et une somme d’argent, car mon père nous disait toujours que si quelque chose nous arrive à n’importe quel jour, le survivant est tenu de prendre le sac et s’en aller car il contient tous les papiers et documents personnels.)
Nous étions très effrayés durant tout ce temps, tremblant de peur, de froid et de terreur, se trouvant entre douze cadavres. Nous avons jeté le dernier regard aux martyrs, mon père, ma mère, mes frères Michel et Khalil. C’était notre dernier regard. Ils étaient tous noyés dans un lac de sang. C’était vraiment un spectacle effrayant et incomparable, un spectacle de terreur, de meurtre, de mort bestiale, barbare et inhumaine. Je n’arrive pas à décrire ce spectacle par quelques mots ni à l’effacer de ma mémoire, de mon cœur et de moi-même.
Finalement nous avons décidé de fuir, de peur que ces barbares reviennent piller les poches des cadavres, tel qu’ils s’étaient promis. Nous avons pris la direction de la vallée nommée "Vallée de l’eau", prenant un sentier très rugueux marchant entre les arbres et les herbes sauvages, laissant nos chers martyrs derrière nous à l’endroit où ils ont été martyrisés.
J’ai porté mon petit frère Charbel sur mon dos et nous avons marché avec mes sœurs Rita et Rima environ 10 kilomètres à pied, tremblant du froid de septembre montagnard et de terreur, jusqu’à ce que nous sommes arrivés à la source de l’eau qui jaillit dans notre propre terrain au bas de la vallée. Nous avons lavé nos mains du sang innocent de nos parents massacrés, avons cueilli une grappe de raisin et avons continué notre endurance en marchant aux bords des sentiers, des champs et des forêts. Nous sommes montés de la vallée, prenant un sentier très rugueux vers le village de Khreibeh. Après trois heures de marche grimpant les collines, nous sommes arrivés à la maison de Cheikh Hafez Abou Hamze, car ses enfants étaient nos camarades d’école. En entrant dans leur maison et les ayant vus, nous n’avons pas pu retenir nos sanglots et cris. Après un long temps de pleurs et de sanglots, nous leur avons raconté ce qui nous était arrivé, alors Cheikh Hafez et sa famille ont dit : « Ce sont des gamins, des bandits, des animaux féroces, quel honte et quelle horreur ! Ils attaquent des innocents et des petits enfants, ce sont des criminels, des barbares et des bêtes sauvages… »
Alors Cheikh Hafez Abou Hamze accompagné d’un de ses proches se dirigea vers le palais de Moukhtara. A son retour il nous demanda de monter dans sa voiture pour nous emmener à la maison de Mme Hoda Abou Hamze, car sa maison était plus sûre que sa maison, car elle a une seule entrée et Mme Hoda a six filles. Personne n’ose entrer dans la maison sans sa permission. Il nous emmena en compagnie de ses enfants chez elle. A l’arrivée à sa maison et nous ayant vus, elle commença avec ses filles à pleurer. Nous leur avons raconté ce qui nous était arrivé et ce qu’on avait commis contre nous (car en effet nous avions une relation d’amitié avec eux et ses enfants nous enseignaient l’anglais à l’école. Elles étaient très gentilles avec nous).
Quelques heures après notre arrivée chez elles, ma grand’mère maternelle, Aïda Ibrahim, et Mme Milia Mansour, l’épouse de Youssef Mansour, ont frappé à la porte et sont entrées dans la maison. Les ayant vues, nous avons cru à la première instance que nous rêvions. Lorsque ma grand’mère s’est approchée de nous, nous avons commencé tous à pleurer à grands sanglots. Nous lui avons raconté ce qui nous était arrivé et ce qu’ils avaient fait contre nous.
Elle nous raconta comment elle les avait vus tirer avec leurs kalachnikovs contre mon grand-père maternel et comment Maarouf Azzam était entré dans la maison de Georges Ibrahim et l’avait fusillé avec sa fille Nadia et son épouse Farida et comment ma grand’mère s’était cachée entre les arbres. Mme Milia nous a raconté comment Maarouf Azzam, Marwan Azzam, leurs voisins, Farhan Temraz et ses enfants et son épouse ont fusillé son époux Youssef Mansour, sa sœur Iskandaria Mansour et Elias El Matni Haddad et sa fille Marcelle. Lorsqu’ils tiraient leur feu contre eux, Mme Milia s’est cachée derrière la porte de la salle de bain. Ils ont été tous tués, sauf son époux qui fut touché à la poitrine, alors il commença à crier et les assassins sont retournés chez lui et l’ont fusillé de nouveau pour l’abattre et sont partis. Alors Mme Zarifa, épouse de Cheikh Farhan Tamraz est entrée à la maison et a vu M Youssef Mansour en train de bouger, elle appela ses enfants et leur dit : « Ce cochon est encore vivant à l’intérieur " Alors ils l’ont fusillé de la fenêtre de la maison et l’ont abattu. Leur voisine Cheikha Zarifa et Cheikh Farhan Tamraz sont entrés dans la cuisine et ont commencé à voler les aliments, les provisions et les objets de la maison. (C’est ce que nous a raconté Mme Milia Mansour sur ce qui est arrivé à sa famille. Elle est toujours vivante et prête à donner son témoignage).
Mme Milia est restée à sa place sans bouger jusqu’à ce que les barbares finissent de voler sa maison. Elle nous raconta aussi comment elle a pu fuir de la maisons vers les jardins de fruits. A son arrivée au premier jardin ma grand’mère l’a vue et elles se sont cachées toutes les deux dans la cave de la maison de Laurice Haddad près des jardins. Ma grand’mère continua à nous raconter comment elles ont passé la nuit à la cave sise sur le bord de la route principale menant au village de Khreibeh. Elles voyaient de leurs propres yeux comment les barbares prenaient les cadavres qu’ils ont tués dans leurs voitures et comment ils volaient les maisons. Ayant terminé son histoire, Mme Hoda a pris ma grand’mère entre ses bras et lui dit : « Des fous, des bandits, fils de prostituées dépouillés de toute conscience ». « Comment peuvent-ils tuer leurs voisins ?!! Que Dieu les punisse !!!, N’ayez pas peur ! Dieu est grand et les punira ! »
Nous sommes restés une semaine entière à la maison de Mme Hoda Abou Hamze et de ses filles qui nous enseignaient l’anglais à l’Ecole Saint-Michel au village de Maasser. Sa fille Amale était mariée et habitait avec son époux à la maison. Ils étaient tous d’une gentillesse et d’une honnêteté infinies envers nous. Durant cette semaine que nous avons passée chez eux et au premier jour que les Druzes de Maasser El-Chouf ont appris que nous étions encore vivants et que nous nous trouvions dans la maison de Mme Hoda, Sobhi Azzam, Maarouf Azzam, Wajdi Riman et un grand nombre des jeunes Druzes du village de Maasser ont tenté d’entrer dans la maison et de nous reprendre par force, car ils craignaient d’être dénoncés. A chaque fois qu’ils tentaient, l’époux de Mme Amale, fille de Mme Hoda, les empêchait par force d’armes et les chassait de devant la maison.
Le soir du premier jour de notre refuge chez Mme Hoda, est entrée Mme Kamal Jumblat dans la maison pour nous voir. Nous lui avons raconté ce qui s’était passé, elle nous a dit : " Que Dieu nous aide ! Ce sont des bandits sans contrôle. Nous allons vous garder ici, car personne n’osera entrer à cette maison. Après nous verrons ce que nous devons faire » . Elle nous salua et partit.
Nous sommes restés donc une semaine entière, cachés dans la maison de Mme Hoda Abou Hamze, effrayés, tremblant de peur et de terreur que ces barbares entrent de nouveau dans la maison et nous tuent. Durant toute cette semaine, mon frère Charbel, terrifié, ne mangeait et ne buvait rien de peur et de terreur.
Après une semaine de notre refuge à la maison, un homme accompagné de l’époux de Mme Amale Abou Hamze est entré et nous a dit : " Nous allons vous prendre et vous confier à la Défense Civile à Bater, pour vous emmener à Jezzine ».
Ils nous emmenèrent de la maison, mon frère, mes sœurs, ma grand’mère, Mme Milia et moi dans une Jeep que conduisait l’époux de Mme Amale, accompagné de son ami. Ils nous emmenèrent au village de Bater. La distance était très longue et la route pleine de fossés. Chaque fois qu’il ralentissait, à chaque fossé, nous nous regardions l’un l’autre et disant à voix basse : "Maintenant ils vont nous assassiner." Nous étions tout au long de la route effrayés et terrifiés, tremblant de peur.
Nous sommes arrivés au centre de la Défense Civile du village de Bater où une voiture nous attendait avec les agents de la Défense civile. Nous descendîmes de la Jeep, nous les avons salués, leur disant adieu et nous sommes montés dans la voiture de la Défense Civile vers la ville de Jezzine. A notre arrivée à l’entrée de la ville de Jezzine nous avons vu un grand nombre de proches et de journalistes qui nous attendaient. Ils nous accompagnèrent tous à la localité de Abra à l’est de Sidon où le commandant Saad Haddad est venu nous voir. Nous leur avons raconté ce qui nous était arrivé, il nous ont dit : "Je veux détruire ce village sur leur tête."
Puis après des journalistes sont venus nous voir et nous demander de leur raconter ce qui était arrivé. Nous leur avons raconté de nouveau ce qui était arrivé et ce que nous avions vu des habitants du village et comment nous avions fui, tout en pleurant continuellement sans arrêt effrayés et terrifiés. Après eux, est venu un proche parent nommé Toni Choueri qui fut le parrain de mon frère Charbel. Il résidait avec sa famille tout près de la localité de Abra dans un village nommé Bkasta. Il nous emmena dans sa maison pour se reposer. A notre entrée à la maison nous avons vu le jeune William Georges Wakim Chakar, un de nos proches de Maaser El-Chouf, qui avait été atteint d’un missile dont les éclats s’étaient éparpillés dans tout son corps. Il ne pouvait pas bouger de son lit. Ils nous demandèrent de ne pas lui raconter ce qui nous était arrivé.
Lorsqu’il nous a vu, il nous demanda : Comment allez-vous ? Comment vont vos parents ? Comment va tout le monde ? Et pourquoi vous êtes ici ? Nous lui avons répondu : Nos parents vont bien, tout le monde est bien. Nous les avons quittés, parce que nous venons étudier à l’école de Abra.
Nous avons passé une semaine terrible, en train de pleurer sur ce qui nous était arrivé, nous pleurions aussi parce que nous étions devenus orphelins et pleurions aussi sur ce que nous étions en train de voir devant nous !
Malgré toute cette tragédie, notre sort était de rester et de faire face aux difficultés de la vie qui nous attendaient. Nos proches parents ont décidé de nous éloigner de cette atmosphère effrayante et nous ont emmené au village des enfants-SOS à Bharsaf – District du Metn.
Là-bas, nous avons commencé le trajet d’une vie différente, nous avons commencé une nouvelle vie sous le patronage de personnes qui connaissent et agissent selon les principes des valeurs humaines. Ils ont continué ce que nos parents ont commencé à nous donner une bonne éducation et à nous entourer d’amour, d’affection et de tendresse.
Après cela, nous avons vécu des jours pénibles pleins de difficultés, de guerres, de bombardement, cachés dans des abris…. Je rêvais toujours de mon village, ce joli village qui se situe au versant de la montagne de Maasser El-Chouf (Mont Barouk), cette montagne couronnée par les cèdres du Seigneur Eternel et de mon village entouré des arbres de tout côté.
Je rêvais continuellement à un jour de droit. Un jour où règnerait la justice, où l’être humain souffrant se réveillerait un jour dans mon pays et dirait oui pour la justice, pour que l’ayant droit reçoive son droit et que la justice distingue entre le criminel et l’innocent, entre l’assassin et la victime !
Malheureusement tout se retourna à l’envers. Car la loi d’amnistie fut approuvée, acquittant tous les criminels de guerre, acquittant tous ceux qui avaient pillé, tué, détruit, et ravagé les propriétés d’autrui et de l’Etat.
Cette loi a acquitté ceux qui ont commis des génocides dans mon village, rendant les assassins criminels égaux à mes frères, à moi et à toutes les victimes innocentes devant le droit libanais. Nous avons eu tous le même registre judiciaire : casier Judiciaire vierge, pas de condamnations !
Comment pouvons-nous vivre ? Comment pouvons-nous construire ce pays qui souffre en permanence ? Comment pouvons-nous surmonter les plaies du passé, les sangs de ces fidèles citoyens versés pour ce qu’on appelle "Complot de l’humain libanais contre son frère humain" ? Comment pouvons-nous surmonter ce plaisir de commettre un génocide contre les chrétiens, de détruire, de piller sans aucune dissuasion ?
Est-ce que l’homme honnête de mon pays n’a aucune valeur, dans ce pays de droit et de l’alphabet, le pays de mensonge et des mauvaises excuses ? Comment pouvons-nous rendre le respect à ce pays ?
Avec tout cela, j’ai supporté mes plaies et les difficultés de la vie et suis resté en train de rêver d’un jour où je pourrais retourner à mon village pour prier sur les restes de mes parents et de mes proches !
Ce jour est arrivé, le jour de retour des chrétiens déplacés à leur village de Maasser El Chouf a été fixé au 8 octobre 1995. Nous sommes retournés et avons trouvé les traces de leur barbarie au même endroit où furent tués mes parents et ceux qui étaient avec eux. Leurs restes étaient toujours au même endroit depuis plus de treize ans entre les débris et les déchets au bord de la route principale menant au village sur la route de Moukhtara. Alors que nous ignorons jusqu’à ce jour où se trouvent les restes des cinquante-et-une autres victimes ? Ce problème demeure toujours sans solution jusqu’à ce jour. Pourquoi tout ce sous-développement, cette criminalité et cette barbarie ? Des massacres et des dévastations de maisons avaient eu lieu dans l’histoire et chez les peuples barbares et sauvages… mais ils enterraient les morts dans des fosses collectives.
A Maaser El-Chouf, les restes de 63 victimes qui furent martyrisés le 9 septembre 1983 sont restés sous le ciel ouvert aux bords des routes et aux entrées du village. Pourquoi n’ont-ils pas fait une fosse collective et enterré les victimes ? N’ont-ils pas le respect des morts chez eux ? Ou bien ils voulaient démontrer à leurs enfants et à leur environnement qu’ils sont un peuple arriéré, barbare et fanatique. Le retour des déplacés est établi politiquement, mais le retour des cœurs sains n’est pas établi, parce qu’une solution équitable et complète de tous les conflits et agressions ainsi que des restes des victimes n’est pas établie. Le pire encore est que les criminels n’ont pas été punis et que les honnêtes personnes druzes qui n’ont point participé à ce génocide n’ont pas été révélées, mais elles furent considérées comme égales aux autres criminels, ce que nous refusons entièrement.
Élias Chakar